Les hypertypes chez le chien : problème ou pas ?

Avez-vous déjà entendu parler des hypertypes ? En tout cas, vous avez sûrement déjà croisé un chien de race Carlin, Cavalier King Charles ou encore teckel. Ce sont toutes des races de chiens pouvant être concernées par ce phénomène. Nous avons demandé des éléments de réponse à Hélène Gateau, Dr Vétérinaire.

Que qualifie-t-on d’hypertype chez le chien ?

L’hypertype est l’exagération, parfois à l’extrême, de certaines caractéristiques physiques chez le chien (en particulier le chien de race). On peut dire que l’effet de mode accentue ce phénomène, certaines races ou traits étant recherchés par le public et les éleveurs. La sélection qui en découle aboutit à des morphologies de chien dont la santé et le bien-être sont compromis.

Il s’agit de caractéristiques physiques (forme de la tête ou d’autres parties du corps, aspect de la peau ou du poil, taille du chien…) que vous avez peut-être déjà observées et qui se retrouvent – ou peuvent se retrouver – en particulier chez certaines races. Notamment :

  • Brachycéphalie (museau aplati, face écrasée). Exemples : Carlin, Bouledogue français.
  • Recherche d’un certain faciès (grands yeux, tête de chiot). Exemple : Cavalier King Charles.
  • Plis de peau (plis extrêmes, peau lâche, plis recouvrant le nez ou les yeux). Exemples : Shar-pei, pékinois, Bulldogs, Carlins.
  • Tailles extrêmes (miniaturisation, excès de taille). Exemples : teckel nain, dogue allemand.
  • Longueur des oreilles (oreilles très longues). Exemples : Chien de Saint-Hubert, Basset Hound, Cockers anglais.
  • Longueur du dos (très long sur pattes courtes comme chez le teckel ou Basset Hound ; court et ultra-concave comme chez le Bouledogue français).
  • Angulation des membres postérieurs. Exemples : berger allemand (croupe abaissée), Basset Hound (membres tors)

Comment ces pratiques existent-elles ? Pourquoi ?

Pourquoi : c’est un effet de mode ! Une part du public recherche des traits morphologiques originaux, touchants, voire étonnants et même drôles. Là où il y a demande,  différents acteurs du monde cynophile (éleveurs, expositions canines, médias) répondent, en continuant de produire et promouvoir ces chiens si éloignés des standards de race.

Comment : il s’agit d’eugénisme, ou sélection génétique. Les caractéristiques physiques extrêmes sont recherchées chez les géniteurs, et reproduites voire accentuées au fil des générations.

Oreilles longues, dos longs, membres courts, paupières tombantes : les caractéristiques ‘naturelles’ du Basset Hound peuvent être poussées à des extrêmes pathologiques par sélection génétique.

Ce phénomène d’hypertypes pose-t’il problème pour les chiens concernés ?

Poussées à l’extrême, les exagérations morphologiques chez le chien entraînent un large panel de problèmes de santé. Citons ces exemples notables et courants : 

*Plis de peau en excès > macération cutanée, odeurs, pyodermite chronique, inconfort mais aussi problèmes oculaires (enroulement des paupières vers l’intérieur par excédent de peau ou à l’inverse ectropion : le bord de la paupière s’éverse vers l’extérieur, mettant à nu la conjonctive). 

Brachycéphalie > difficultés à respirer, intolérance à l’effort, ronflements, intolérance aux fortes chaleurs, mais aussi problèmes de dentition : la mâchoire ne peut pas accueillir correctement toutes les dents du chien.

Allongement de la colonne vertébrale > risque de hernies discales : la colonne vertébrale ne peut pas encaisser les contraintes physiques du quotidien.

Les excès de sélection peuvent donc avoir un réel impact sur la santé et le bien-être des chiens au quotidien, avec d’autres affections allant des otites à répétition aux luxations rotuliennes, en passant par des prédispositions aux fractures (liées à la miniaturisation).

Législation, sensibilisation : quelles solutions pour lutter contre ce phénomène ?

Les acteurs responsables de ce phénomène sont nombreux, et il est difficile d’en pointer du doigt spécifiquement. D’autant plus que le public ignore souvent ce que cachent les particularités à première vue touchantes de certains chiens. Il existe néanmoins des pistes notamment pour responsabiliser les propriétaires.

Premier cas de figure : un propriétaire ayant pris un chien hypertypé par méconnaissance, sans sensibilisation au préalable des répercussions sur la santé de son animal. Le rôle du propriétaire est alors d’assurer, avec l’aide vétérinaire, une prise en charge adéquate de son chien et des problèmes de santé en lien avec son hypertype.

Il peut s’agir d’une prise en charge chirurgicale (élargissement des narines, raccourcissement du voile du palais, résection d’excédent de peau, chirurgie des paupières). 

Une adaptation du mode de vie de l’animal est également nécessaire pour préserver sa santé et son bien-être. Par exemple en aménageant son intérieur pour éviter les sauts et escaliers (chiens à risque de hernies discales comme les teckels, carlins, bouledogues français), en faisant particulièrement attention à la chaleur et aux efforts intenses, et (comme pour tous les chiens), en adaptant l’alimentation.

Deuxième cas de figure : Un propriétaire souhaitant prendre, en connaissance de cause, un chien hypertypé. Il faut alors savoir s’orienter vers les éleveurs responsables, qui font naître des chiens non poussés à l’extrême. Si c’est votre cas, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de la Centrale Canine, qui pourra vous orienter vers les éleveurs sérieux. 

En soit, c’est à l’ensemble des acteurs du monde cynophile de travailler ensemble pour remédier à ce problème de fond. Les vétérinaires se doivent de sensibiliser à ces pratiques en informant et suivant les propriétaires futurs ou actuels. Le rôle de la FCI et la Centrale Canine est de veiller à ce que les standards de race définissent les normes pour des individus sains, que celles-ci soient respectées, et que les éleveurs sérieux soient soutenus.

La part des juges en exposition canine n’est pas à négliger : ce sont eux qui accordent des mentions et décident de quels individus sont estimés “Meilleurs de race”. Ils se doivent de maintenir à jour leurs connaissances sur les standards de race, sans autoriser de dérives qui, progressivement, mènent à des hypertypes dits pathologiques (qui entraînent des problèmes de santé).

Enfin il relève de notre rôle à tous d’apprendre à avoir un regard critique sur les photos ou vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. Un bulldog anglais qui a du mal à se déplacer car trop gros ou ne pouvant pas respirer : ce n’est ni drôle ni mignon !

Passionnée par le lien qui nous unit aux animaux, Hélène Gateau est vétérinaire, chroniqueuse, journaliste et auteure. Nutrition, comportement, éducation… Hélène vous livre ses conseils pour vous aider à mieux comprendre vos chiens et leurs besoins.

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